Les rues de Kinshasa

Sans grille de lecture, il faut bien se contenter de celles que l'on nous donne: Ferme ta fenêtre, verrouille ta portière, ne marche pas seule en rue, et surtout pas la nuit, ne prends pas de taxi, ne t'aventure pas dans ce quartier, et bla et bla et bla. J'emportais dans ma valise des tonnes de conseils, “à suivre ab-so-lu-ment”, sous peine de vivre d'horribles mésaventures. Même si au fond de moi-même, je pensais qu'il s'agissait là de propos de paranoïaques profondément atteints, il n'empêche qu'après avoir entendu une quinzaine de fois la même litanie, à mes yeux Kin la belle prenait petit à petit des allures de prison. L'image du Blanc est associée à celle de son 4-4, croiser l'un sans l'autre appartient au domaine de l'exceptionnel. Sans véhicule, je ne rêvais pourtant que d'une seule chose: me laisser pénétrer par la ville. Après une semaine à tourner en rond dans la chambre d'hotel, ma première sortie prenait des airs d'expédition: rien dans les mains, rien dans les poches, quelques billets cachés dans le soutien-gorge, je sortais boire un verre à 400 mètres de là, bien accompagnée et prête à affronter toutes les catastrophes. Evidemment, pas l'ombre d'un faux-policier, d'un voleur ou d'un violeur sur le chemin, seulement une bière bien fraîche et une délicieuse sensation de bien-être au retour : “i did it!”.

Quatre semaines plus tard, les clés pour décoder la ville apparaissent dans le fond de mes poches. Oh, elles doivent encore grandir, elles manquent encore un peu d'expériences et d'accompagnement pour être tout à fait au point. Mais la base y est, et si je ne balaie pas d'un coup tous les conseils donnés, j'ai vite fait le tri entre le raisonnable et l'exagération: je baisse ma fenêtre en voiture quand j'ai chaud, j'ai été voir du théâtre à la cité, j'ai marché seule en rue... Pas besoin d'être parano, de rester sans cesse sur ses gardes, il suffit juste d'avoir un peu de bon sens pour savoir quand on est ou non en sécurité.