Guerre et paix
Une fois de plus, je vous écris depuis depuis ce bureau de Limete dont je vous ai tant parlé durant trois jours. Seule différence : la « guerre » est finie tout comme m’a quitté le bond hors de ma chaise qui accompagnait le moindre claquement de porte, le moindre bruit suspect.
Je sors de ces évènements avec l’impression d’avoir vécu un épisode bousculant, stressant, hors du commun pour une Belge de ma génération. Un épisode duquel je ressors légèrement différente. A peine de retour à la maison, je me suis plongée tout entière dans la lecture de l'autobiographie d’une jeune Tchétchène, laquelle y distille ses impressions et expériences d’une vie entière ponctuée par la guerre (1). Face à cela, que valent mes trois petits jours de conflit qui de toute façon ne me visaient pas ? Pas grand-chose, à vrai dire. Et pourtant je dis merci au hasard de m’avoir placée ici du 22 au 24 mars. Merci, merci, merci : les mots couchés par cette jeune auteure ont subitement pris un sens nouveau, ils me traversent, me pénètrent, me transpercent, alors qu’une semaine plus tôt ils n’auraient fait que m’effleurer. Je ne me méprends pas : je n’ai rien à apprendre à quiconque sur ce qu’est la guerre, sur la trouille qui doit prendre aux tripes ceux qui en sont les cibles principales, sur le sentiment d’impuissance mêlé à la rage et à la tristesse lorsqu’un proche ne revient pas d’avoir été chercher un bout de pain à l’autre bout de la rue. Je ne me le permettrai pas. Pourtant cet embryon de conflit que j’ai vécu a permis d’ôter un voile de ma vue, réimprimant d’un seul coup dans ma mémoire toutes ces images de l’Est de la RDC, du Darfour, de la Tchétchénie, du Timor, du Rwanda, … qui défilaient sur mon écran de télévision et sur ma raison et sur lesquelles ne faisaient que rebondir mes émotions. Ces quelques jours coincés dans une cuisine sont à marquer au feutre rouge dans l'agenda de ma courte vie : désormais, comme ces vieux survivants de 40-45 qui radotent à tous vents leurs expériences de guerre mais que personne n’écoute, je ne cesserai plus de répéter en mon fort intérieur combien la paix est précieuse et doit être sauvegardée. À tout prix.
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(1)
TERLOEVA Milana,