Néo colonialisme vs. Pré-démocratie
Suite au message ci-dessous, certains d'entre vous ont écouté l'émission de la RTNC dédiée à mon projet, le PAIDECO. Petit à petit, les lecteurs de ce blog se font de plus en plus diversifiés. "Papa - maman - les amis" ne sont plus les seuls à me lire, et cela entraîne naturellement des commentaires de lecteurs inconnus. Certains commentaires se révèlant piquants, il y a lieu de me défendre... Et quand cette défense peut en intéresser plus d'un, je préferre publier ma réponse sur la page d'acceuil plutôt que dans un lien où personne ne s'aventure jamais.
"Peux-tu nous dire ce que ce projet néo-colonialiste coûte à l'Etat Congolais? Pour 1 dollar investi dans ce projet, combien le gouvernement congolais doit-il reverser indirectement à la CTB? Et dans tout ça, on tombera toujours sur des autorités locales (bourgmestres de pacotilles) qui seront en prosternation devant "les bienfaits de la coopération au développement" alors que les effets de ces actions sur la population sont plus que marginaux... Pauvre Afrique!" Rd Congo
"Mon cher Rd Congo,
Quel beau pseudo tu t'es donné, et quel dommage que tu l'utilises de la sorte pour cracher dans ta propre soupe... A te lire, je me demande si tu as bien écouté l'émission de mercredi. Ce projet ne s'apparente en rien à du néo-colonialisme. Que du contraire!
Anticiper une (r)évolution démocratique telle que la décentralisation en aidant la population à se structurer pour mieux répondre au gouvernement local élu, promouvoir l'émergence d'une esprit critique, cela te fait-il réellement penser aux pratiques colonialistes?
Permettre aux populations à la base de proposer un plan de développement pour leur quartier, et, surtout, leur offrir le moyen de réaliser eux-mêmes ces actions directement palpables, c'est cela le programme dont je parle. En aucun cas est-ce le PAIDECO qui impose ses priorités, et c'est cela toute la beauté du projet. Crois-moi, il y a des jours où je préferrerai pouvoir faire ce qui me semble bon sans rien demander à personne, tout irait tellement plus vite! Alors je m'arrête une minute et je réfléchis à cette phrase "ce que tu fais pour moi sans moi tu le fais contre moi". Et je plonge voir nos partenaires pour écouter ce qu'eux ont à dire...
En ce qui concerne la question financière, sache que pour les 5.900.000 euros que coûte ce projet, l'état congolais contribue à hauteur de 50.000 euros. Soit 0,59 euros pour chaque citoyen belge contre 0,0008 euros pour chaque citoyen congolais...
En excluant les frais de fonctionnement de ce projet (achat des véhicules, location des bureaux, paiement des employés - 1 expatrié (français!), deux volontaires et 10 congolais -), tout l'argent de ce projet est directement bénéfique à la population. Comme tu as pu l'entendre, toute la main d'oeuvre est prise localement (dans le quartier même où se trouve le chantier!), et le moindre meuble, le moindre fer à béton que nous achetons, nous l'achetons toujours le plus près possible du lieu final de destination. C'est-à-dire la plupart du temps à Kimbanseke ou Kisenso. Au pire à La Gombe. Mais certainement pas en Belgique.
Il est révolu le temps où l'argent de la coopération belge revenait indirectement à notre petit pays. Fini le temps où le moindre maçon, le moindre ingénieur qui travaillait pour la coopération était forcément belge.
En un an et demi de fonctionnement, la seule chose que nous ayons du importer de Belgique, c'est une chambre froide pour la morgue de l'hôpital de Kisenso. Hélas, on en trouve difficilement Kinshasa...
Je concède cependant qu'avec 5.900.000 euros, on ne peut pas transformer Kimbanseke et Kisenso en Dubaï ou New-York. Après tout, cela ne fait "que" 4,5 euros par habitant de ces communes. C'est peut-être en cela que tu juges les effets marginaux. Mais crois-moi, à Kimbanseke où il n'y a que 6 écoles d'état pour 1 million d'habitant, on ne juge pas une école supplémentaire comme "marginale".
En ce qui concerne les "courbettes" des bourgmestres, j'étais effectivement étonnée de les entendre tellement élogieux à l'égard du projet. Mais s'ils nous jettent autant de fleurs (d'accord, ils exagéraient...) c'est parce qu'ils savent combien ce partenariat est précieux, et qu'ils ne veulent en aucun cas perdre cette opportunité d'améliorer le sort de leurs administrés. Eux, au moins, ne crachent pas dans l'assiette dans laquelle ils mangent... " Charline